« Chère Diane… » est le titre de mon journal de bord. Le prénom Diane est une référence au personnage mystérieux de Twin Peaks, destinataire des messages vocaux de l’agent Cooper, dont on ignore l’identité, la fonction ou le lien avec l’agent. Collaboratrice éloignée ou ancienne amante, personne physique ou fictive, symbolisée par l’outil d’enregistrement, elle est peut-être l’alter ego de Cooper qui, finalement, s’adresserait à lui-même. Toujours factuels, ses comptes-rendus s’ancrent en dehors de l’action, quelque part entre réalité et fiction, intime et public, prise de notes et début d’analyse.
Mon journal de bord, ma Diane à moi, me permet tout ça. En dehors de l’action, elle me permet de relater ma journée, de mémoriser les noms des personnes croisées, de dresser un croquis rapide des artistes rencontrés, de citer des passages de textes lus, d’entamer un début d’analyse critique de mon séjour. Diane sera mon journal intime public, dans lequel je m’adresse simultanément à moi-même et à un lecteur invisible, sur un ton neutre comportant forcément une part de jeu d’acteur, puisque rédigé en toute conscience de sa publication sur un blog Internet.
« Chère Diane…. » comporte également une série de cartes postales, adressées quotidiennement à une personne de mon réseau : artistes, commissaires, acteurs culturels, amis, membres de ma famille. Elles résumeront chaque journée en quelques mots ou évoqueront une des visites en particulier. Cartes postales touristiques ou éditées par des acteurs culturels, elles créent un pont entre le travail et le loisir, l’ici et l’ailleurs, le public et l’intime. Convoquant la notion de réseau, elles conjuguent ma fonction de commissaire d’exposition à celle de passeur et de créateur de liens.
« Chère Diane… » comporte une autre sous-correspondance, « Chère Camille… », dans laquelle je m’adresse hebdomadairement à l’artiste Camille Bondon pour lui décrire oralement une œuvre d’art vue durant la semaine. Cette correspondance renvoie à un projet que j’ai récemment mis en place, les « Esquisses », des descriptions d’œuvres sans support d’image. Ces réactivations par la parole et l’imagination permettent d’aborder les notions de mémoire et de transmission, mais aussi des problématiques liées à l’économie, la documentation et la conservation des œuvres.
Ces différentes correspondances donnent un aperçu de ma résidence par fragments textuels, visuels et sonores juxtaposés, reflétant la fragmentation que le format nomade de la résidence induit. Une semaine par ville, une heure ou deux par rencontre, un mois de voyage, trois temps dans l’année, la temporalité particulière de la résidence permettra autant de riches découvertes que de frustrations, et fera naître – je l’espère – de nouvelles correspondances à venir.