Chère Diane,
Aujourd’hui, je n’ai pas de rendez-vous. Les expositions à Bâle étant encore en grande partie les mêmes que celles découvertes en juin, je décide de me promener à Mulhouse. Je fais un tour à son marché si réputé – le marché du canal couvert – témoin de la richesse multiculturelle de Mulhouse, ville de province avec le plus fort taux d’immigrés (autour de 25% de la population, de 136 nationalités différentes). Juste à côté du marché s’étend la cité ouvrière de Mulhouse, construite selon un modèle architectural mettant en avant simplicité formelle et équité, le carré mulhousien. 4 familles se partagent un terrain carré au centre duquel les 4 habitations sont collées les unes aux autres, entourées de jardinets. En parcourant les ruelles de cette cité, dessinée par l’architecte Emile Muller, je me rends vite compte que ce que j’imaginais comme un quartier formaté et normé, est en réalité très organique, avec des maisons de tailles et formes différentes, toutes devenus propriété des ouvriers et donc transformées, agrandies, modulées selon les envies des habitants. En 2005, la Ville de Mulhouse et la SOMCO (Société mulhousienne des cités ouvrières) souhaitent revisiter ce modèle architectural à l’occasion du 150e anniversaire de la cité ouvrière en invitant 5 architectes de renoms à actualiser le concept du logement social. Il en résulte la Cité Manifeste, dessinée par Jean Nouvel, Shigeru Ban / Jean de Gastines, Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal, Duncan Lewis / Potin + Block, Mathieu Poitevin / Pascal Reynaud. Le projet résulte en 5 îlots aux identités marquées et différentes, qui posent de nombreuses questions autour du logement social : promouvant l’habitation individuelle, les maisons restent à prix relativement élevé pour des logements sociaux (comme ce fut d’ailleurs déjà le cas en 1850 pour les premiers carrés mulhousiens), certaines réalisations présentent de sérieux problèmes de chauffage (grands espaces vitrés au chauffage électrique). Ce n’est jamais simple de faire se coïncider et dialoguer l’art et la vie de tous les jours.