Chère Diane,

Mon adresse à toi commence à se trouer des voyages.
Je suis arrivée hier soir à Lille ! Je vais rencontrer les artistes de la malterie, et préparer le projet des Esquisses qui sera présenté aux Portes Ouvertes de la malterie weekend prochain. Semaine dense en vue.
Je commence mes visites d’atelier par Manon Thirriot, jeune diplômée de l’Ecole d’art de Tourcoing et qui a été sélectionnée pour le programme Starters : un accompagnement professionnel d’un an avec atelier mis à disposition à la malterie. Tout l’enjeu de sa jeune pratique de photographe sera de se questionner sur la place qu’occupe le voyage dans son travail et quel statut il a : déplacement, excursion, rencontre, marche solitaire, exotisme, prétexte pour une recherche formelle et graphique…
Armin Zoghi retourne sur les lieux de son enfance, afin de questionner la mémoire et les représentations mouvantes et instables qu’elle engendre. Il s’interroge sur comment les flux de conscience modulent et stratifient notre expérience et lecture du réel, comment notre perception est altérée par notre bagage culturel et par les médias qui véhiculent les mages du monde.
Boris Lafargue se dit sculpteur, pourtant j’y trouve un regard de graphiste, une sensibilité de designer et une conscience de l’architecture. Sa pratique est (trop?) séduisante, terme dont nous débattons tout un moment. Artiste entrepreneur qui pourtant fuit la paperasse, il affirme créer certaines pièces pour les galeries, alors qu’il se projette vers une pratique du monumental.
Le soir, avec Lucie Orbie, commissaire d’exposition et coordinatrice du réseau 50° Nord et son compagnon David Roubaix, artiste, nous discutons d’art et de chats, et Lucie me parle de la nouvelle filière Arts Visuels qui se met en place dans la région Hauts-de-France, regroupant les arts plastiques, les métiers d’art, le design et la mode, face à la nécessité de créer une branche professionnelle pour le secteur. Beaucoup trop tard nous entamons une discussion sur les pratiques curatoriales, Lucie me questionne sur la différence de baser un commissariat sur une thématique ou une problématique (des gestes aussi, me dis-je ce matin), de savoir si on peut imaginer un commissariat à partir d’une logique de pensée (influencée par nos syntaxes, allemande ou française) et j’essaie de démêler la différence d’impact d’un discours, d’un récit et d’une image, mais il est beaucoup trop tard, je m’embrouille le cerveau qui continue à tournoyer autour de ces questions pendant que je rédige ces quelques lignes le lendemain matin, juste avant de repartir pour une nouvelle journée de rendez-vous… les plannings serrés ne facilitent pas la réflexion conceptuelle…