Chère Diane,

Ce matin j’ai rencontré Grégory Buchert. Son travail tourne (en rond) atour des notions d’errance, d’échec, de détours, de quête. Le motif du cercle est omniprésent, pas forcément en tant que boucle, plutôt en tant que spirale. Performatives, ses œuvres le mettent en scène en tant que saltimbanque – sorte de dédoublement de lui-même – empruntant obstinément la voie la plus complexe pour arriver à son but, pas toujours très clairement défini. (Je m’excuse, car Grégory m’a avoué que ces qualificatifs récurrents d’anti-héro le gonflaient). Ses pérégrinations dans les sous-bois du monde de l’art (il n’y a que très peu d’informations accessibles sur le net) questionnent in fine la place de l’artiste dans la société, la trace qu’il laissera, la reconnaissance qu’il (n’)aura peut-être (jamais).
L’après-midi je discute avec Valérie Vaubourg dans son atelier à la malterie. Son travail est « féminin » (c’est elle qui le dit, non sans cynisme), elle utilise la broderie, la dentelle, le papier peint pour donner forme à des dessins emprunts de violence : scène de guerre ou d’abattages, d’écorchements, proverbes sexistes, mouches innombrables posées sur un linceul. Elle joue avec les clichés et l’imagerie évidente, remarquant que ses sujets – que l’on pense pourtant être largement débattus voire résolus de nos jours – provoquent toujours des échauffements des esprits : ayant fait surveiller son atelier aux Portes Ouvertes l’année dernière par un ami homme, ce dernier s’était fait insulter pour sexisme par des visiteuses.
Je prends ensuite un verre avec Elodie Weyne, doctorante en Arts : Esthétique, Pratique et Théorie, qui participera aux Esquisses ce weekend. Nous discutons de Benjamin, d’expérience esthétique, de connaissance des œuvres, de médiation, du statut du document dans les pratiques performatives.
Le soir je me rends à La Madeleine, dans l’atelier d’Olivier Aubry et Tomomi Yano, deux artistes qui participent également aux Esquisses. La peinture d’Olivier, simple et spontanée, au dessin naïf et pourtant gravé littéralement dans plusieurs couches de peinture superposées – des repentirs – est basée sur des descriptions de paysages que Tomomi lui conte. Ils ont participé au projet Tableaux Fantômes, pour lequel des artistes sont invités à créer une œuvre à partir d’une des descriptions de tableaux de la collection du musée Benoît De-Puydt, détruite pendant la guerre de 14-18. Leur contribution est un véritable cadavre exquis, ou « téléphone cassé » (je refuse dorénavant de dire téléphone arabe…) : ayant donné la description initiale à une petite fille, celle-ci a produit un dessin que Tommi décrit ensuite à Olivier qui en fait une sorte de chorégraphie loufoque : dessin dans l’air, invisible, matérialisé ensuite sur un support vidéo.